Pourquoi l'auto-stop devrait être remboursé par la SECU

Publié le par Aurélien

Vous connaissez probablement tous l'exercice suivant: vous êtes en soirée, gentiment convié par un de vos amis, et là se présente un/une inconnu(e) avec qui vous aimeriez sympathiser, dans des buts de séduction ou juste parce que vous aimez bien "ajouter un contact sympa à votre liste téléphone/mail/facebook". Bref, faire une nouvelle connaissance. En général vous papotez un peu en groupe, sortez quelques boutades plus ou moins drôles, quelques références culturelles ou autres trivialités, et parfois vient une forme plus ou moins mutante du classique "C'est quoi tes passions ?" (souvent suite directe d'une forme de "Tu fais quoi dans la vie ?").
Là, une, mécanique consciente ou pas, se met en route: "quelle facette de ma personnalité vais-je montrer ?". Il existe une réponse par personne et par contexte. Par exemple, moi, je me débrouille souvent pour placer "Je visite différentes villes de France en auto-stop", parce que c'est vrai mais aussi et surtout pour observer la réaction de mon interlocuteur, le plus souvent délicieusement interloqué.


Souvent, on ne comprend pas pourquoi. Je ne sais pas quelle place l'auto-stop a dans le coeur des gens... Quoique, si: en général, aucune, on ne se pose pas la question. Ce n'est pas étonnant: c'est une pratique non reconnue, non étudiée... et peu usitée, tout simplement.
A première vue, ça paraît assez étrange, d'ailleurs: à l'heure de la "vague verte" où énoncer la sauvegarde de notre environnement comme objectif de vie n'est plus une étrangeté, on parle bien souvent des transports en commun à la place de la voiture pour "sauver la planète", on évoque parfois le covoiturage, mais on appose un silence pudique, quoique parfois méprisant, sur l'auto-stop, qui est pourtant un cousin proche.

Mais en y réfléchissant, ce n'est pas si étonnant. Pour la planète comme pour autre chose, tout est bon à faire à condition de l'effectuer de façon individuelle. TU veux polluer moins, TU prends les transports en commun, ou si TU  l'oses, TU fais une recherche sur Internet pour trouver le trajet qui TE convient dans le cadre qui TE convient, de préférence avec une personne que TU sais tolérer, qui respectera les critères de TON choix, par exemple conduite prudente, non-fumeur, pas d'animaux, etc. Comme lors de cette soirée, où la communication requiert des règles bien précises.
Je ne m'étendrais pas sur l'étrange isolation de chacun dans ce monde où la communication est de mise, du moins pas aujourd'hui. Ce qui compte aujourd'hui, c'est que l'auto-stop permet de passer outre.

Tendre le pouce ne veut pas uniquement dire vouloir se rendre quelque part, c'est aussi offrir sa présence à qui veut. Une sorte de don de soi gratuit et innocent, le désir de partager au moins un objectif sous forme de nom de ville sinon une vie toute entière l'espace d'un trajet. Un symbole puissant, dont la signification complète serait "Je ne vous connais pas mais je suis prêt à vous confier ma vie l'espace de quelques heures pour atteindre un but commun". Exposé comme ça, n'est-ce pas un message plus poétique que le très moche "aller quelque part gratuitement" ?

Je n'ai pas beaucoup pratiqué, mais chaque expérience me laisse un souvenir bien plus riche que n'importe quel trajet de train. Même les heures d'attente ont du bon: quelle joie l'on ressent lorsqu'une voiture s'arrête enfin ! Puis un huis-clos s'installe entre le stoppeur et le conducteur, situation étrange où l'on ne sait pas trop si l'on doit tutoyer ou vouvoyer, si chaque parti est d'un naturel bavard, si les silences sont naturels ou la marque d'une gène, où l'on ne peut guère fuir des débats qu'on aurait évité en temps normal. Puis enfin l'arrivée, parfois l'échange de coordonnées que l'on n'utilisera probablement jamais, et on retrouve son univers comme si rien ne s'était passé. Mais on garde le souvenir quelque part et on le partage quelque fois.

En soirée, par exemple.


Un point beaucoup plus pragmatique pour quiconque est frileux vis à vis de cette expérience: les arguments classiques des détracteurs et les contre-arguments.

On me dit souvent que c'est dangereux d'un point de vue de l'intégrité du conducteur, notamment pour les femmes seules. C'est, tout du moins l'argument qui revient le plus, sinon celui que je peux le plus concevoir, je dirais même le plus justifié. En particulier, je conçois que tendre le pouce en tenue estivale affriolante a quelque chose de peu rassurant. Mais il existe une solution simple: discuter un peu avec le conducteur avant de monter dans la voiture pour l'identifier du mieux possible. C'est d'autant plus efficace sur les stations service où l'on peut effectivement discuter un peu. Au moindre malaise, trouver un prétexte est plutôt facile. 
Cependant, le tout est une histoire de confiance en autrui. Avoir peur, c'est reconnaître qu'une partie des gens capables de s'arrêter sont, somme toute, dangereux. A débattre...

Parfois, on me parle de la sécurité routière. Quelqu'un m'a dit qu'il ne faisait pas confiance en la façon de conduire d'autrui parce qu'à son contraire, beaucoup de gens conduisent très mal. Trop mal. Et qu'il préfère avoir un accident au volant de sa voiture qu'en tant que passager pour des questions d'ego... dernière affirmation sur laquelle je n'estime pas vraiment utile de revenir outre mesure !
De façon générale ce n'est pas faux, "le risque zéro n'existe pas", comme on dit. Mais justement: s'il n'existe pas, quelle importance de pratiquer l'auto-stop ou de voyager en train ? Et si le train déraillait ?... Bon, cet argument valable théoriquement perd son sens si on joue au statisticien des chiffres. Mais à vrai dire, beaucoup de choses perdent leur sens dans ces conditions. N'hésitez pas à le pratiquer avec un bilan routier car il n'y a guère de choses effrayantes en jouant un peu avec les probabilités.

Et parfois, on me parle du temps de trajet et de la "galère du stop". Mais là, il n'y a rien à faire car l'on touche aux mentalités. Vous savez, "si plus de gens pratiquaient le stop, plus de gens prendraient les stoppeurs", "si "perdre" quelques heures vous effraie, n'est-ce pas parce que vous craignez que l'attente fasse germer chez-vous des réflexions sur tout le temps que vous passez à faire des choses que vous n'aimez pas ?", "avez-vous peur d'être débrouillard ?". Tiens, je vais être un peu pédant, je vais citer un philosophe dont je connais très mal les pensées, juste deux citations dont une que je repousse systématiquement. L'autre, la voilà:

"Agis de sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle" (-Kant) 


Je me suis peut-être un peu égaré. 


Pour conclure cet article, pour tous ceux qui seraient intéressés par l'auto-stop, sa communauté, sa philosophie, comment le pratiquer en tout pragmatisme et beaucoup d'autres choses (dont des endroits pour sortir des grandes villes, soit dit en passant), je préconise ce wiki:
http://hitchwiki.org/fr/Accueil

Et pour conclure pour de vrai: en mettant ce lien, j'y ai fait un petit tour et j'ai vu (encore) un article intéressant, à savoir "à combien faire de l'auto-stop", et j'aime beaucoup la petite phrase de la fin:

"Le stop à cela de génial qu'il n'obéit à aucune règle. Il est complètement aléatoire et n'en demeure pas moins une valeur absolue."

Publié dans Voyages en France

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B
<br /> J'ai également difficilement fait le lien avec la Sécu, mais j'ai quand même trouvé cet article vraiment bien rédigé : tout est bien dit sur un ton que j'aime beaucoup...<br /> En lien, mon asso de stoppeur, s'il ya des volontaires pour la session 2010, n'hésitez pas<br /> Allé, je vais explorer le reste du blog<br /> +++<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Premier article que je lis (éwoué dans l'ordre chronologique) et franchement, bien écrit, dieu :) Je fais souvent du stop moi, et tu retranscrit bien le phénomène ^^ Continue comme ca!<br /> <br /> <br />
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A
<br /> La "sécu", c'est la Sécurité sociale, l'organisme d'état qui te rembourse une partie de tes frais médicaux. Pour toi, ça devrait être la LMDE ou la SMEREP, qui sont des "sections étudiantes" de la<br /> sécu.<br /> La sécu te file ta carte vitale (la carte verte nominative avec plein de numéros dessus) et tu peux t'en servir pour te faire rembourser de différents médicaments.<br /> <br /> Le titre, c'est donc pour dire que l'auto-stop est bon pour la santé !<br /> <br /> <br />
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A
<br /> J'eprouverais le même sentiment que Ludo au volant d'une voiture, sûrement due a ma pseudo peur de l'inconnu...<br /> Sinon quel est le rapport avec le titre de l'article ? Enfin, je dis ca, mais j'ai jamais compris ce qu'était la secu...<br /> <br /> ("Martine !<br /> -Secu !"<br /> <br /> <br />
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L
<br /> J'ai hésité plusieurs fois à prendre un auto-stoppeur sur mon chemin (à une époque je prenais toujours une départementale assez longue sur laquelle je roulais pendant plus d'une heure...).<br /> Mais je pense que je suis totalement enfermé dans le cliché du "Omygod c'est un psychopathe qui va m'violer ou voler ma voiture et mon téléphone portable !".<br /> Le truc, c'est que je suis loin d'être le seul à penser ce genre de choses. Je pense que l'on peut remercier les médias (je pense à certains JT haha) des images qu'ils véhiculent de la chose, une<br /> paranoïa en plus o/<br /> <br /> <br />
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